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Art thérapie et Alzheimer : se reconnaître et se reconstruire

Art thérapie Alzheimer

 

La maladie d’Alzheimer et les troubles apparentés sont décrits comme des pathologies de la privation : aphasie, amnésie, apraxie… 

 

L'Art thérapie aide les malades d'Alzheimer à combler leurs manques, à "re"-connaître et à "re"-construire, comme j'ai pu le constater dans ma pratique d'animation d'ateliers d'art thérapie en EPHAD.

 

Mes expériences en EHPAD auprès de résidents à des stades divers de la maladie m’ont amenée à faire avec ce qui est là, dans l’instant présent : capacités préservées, pensées inexprimables en mots mais potentiellement en gestes, en regards.

 

 

Atelier d’Art thérapie et Alzheimer : la “re-connaissance” de l’autre

La façon dont nous envisageons l’autre détermine le sens de notre relation : le considérer par ce qu’il est plutôt que par ce qu’il n’est plus permet d’initier des processus de « re-connaissance », de « re-construction ».

Dans les ateliers animés en UP, l’immobilité, les regards fixes semblent questionner :  “Que fais-je ici ?”. La question du sens se pose à chaque instant.

 

La médiation plastique (modelage, peinture, collage...) permet de s’exprimer autrement que par oral et donne à voir et à penser à l’art-thérapeute pour accompagner l’autre dans son propre cheminement, selon ses capacités. 

 

Je propose souvent en première intention un atelier avec des foulards disposés sur la table.  Ce jour-là Mme D., à peine assise, en attrape un, le déplie, l’enroule autour de ses épaules, comme toute personne souhaitant toucher une étoffe dont elle aime la couleur et la matière, ou une femme coquette soucieuse de porter un accessoire original qui la distingue.

Par la parole et par le geste, j’invite les participants à choisir un foulard, à le manipuler : petit à petit des regards s’allument, des sourires s’esquissent. Comme une forme de “re-connaissance”, de complicité ?  Puis des mains se tendent, saisissent et caressent le tissu. L’agitation ambiante se focalise sur les foulards. Des voix s’élèvent : “C’est doux, c’est de la soie ?” ; “Le bleu c’est ma couleur préférée !”.

Les matières souples, mates ou soyeuses, invitent à la sensorialité. En fin d’atelier Mme D. refuse de se séparer du foulard qu’elle a choisi ! 

Certes, tous ne manifestent pas la même implication, mais dans les regards que je croise, ça pétille, quelque chose se réveille !

Cette médiation, où le foulard sert de matériau au sens plastique, est vecteur de sensorialité, de valorisation, et tisse symboliquement des liens dans le groupe et avec l’art-thérapeute. 

 

 

Atelier d’Art thérapie et Alzheimer : un espace potentiel de reconstruction

 

Dans un autre registre plastique, le collage semble initier un travail psychique de construction. Ainsi, M.S. s’applique à sélectionner, déplacer, coller les carrés de papier multicolores mis à sa disposition. L’observation de ses mimiques, de ses gestes, donne à voir un processus de construction qui aurait du sens pour lui. Il aménage un espace, exprimant par le geste ce qu’il désire ou refuse. En fin d’atelier il s’exclame : « Là c’est collé, on a une attache ! ».

 

L’art-thérapie ouvre un espace où la personne souffrant d’Alzheimer peut s’affirmer, autant dans le désir que dans le refus. Dans l’échange (oral, visuel, gestuel), l’art-thérapeute vient en étayage pour soutenir, accompagner lorsque les difficultés praxiques ou de compréhension empêchent l’expression de la volonté. 

 

Isabelle Chevallier-Marchal

Art-thérapeute

 

*Cet article a fait l’objet d’une parution dans le hors-série ASH Alzheimer de mai 2021 sous le titre suivant : "L’atelier d’art-thérapie : espace de « re-connaissance » et de « re-construction".

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